Dans l'effervescence de notre monde en constante évolution, où les données occupent une place centrale, la maîtrise de ces éléments chiffrés devient cruciale pour toute entreprise aspirant à l'excellence. C'est au sein de ce véritable labyrinthe de chiffres que se tisse le partenariat stratégique entre Veolia, véritable pionnier de l'économie circulaire ayant pour raison d’être la “transformation écologique”, et l'EPHEC. Ensemble, ils se sont lancés dans un défi de taille : transformer des montagnes de données en une vision claire et pertinente de la réalité opérationnelle et financière de l'entreprise.

Ce challenge dans le domaine du reporting proposé aux étudiants du bloc 3 Comptabilité de l'EPHEC a dépassé le simple cadre académique. Pour nos futurs experts, c’est une immersion directe dans le monde réel avec les défis auxquels les entreprises comme Veolia font face au quotidien. Leur mission était claire : créer des tableaux de bord avec l'outil Power BI pour synthétiser et donner vie à des données brutes partagées par l’entreprise.

Cette exploration des données, guidée par l’enthousiasme et la vision novatrice des étudiants et des professeurs, sous les regards attentifs de Sarah Lejeune (Reporting & Finance Controlling Manager), Matthieu Mordant (Finance Shared Services Centers Manager), ainsi que Jérôme Waterkeyn (Chief Financial Officer - Veolia BeLux), a été le fruit d’apprentissages et d’échanges constructifs. Toutes les parties concernées - élèves, professeurs et représentants de Veolia - en sont ressorties ravies et enrichies.

Au-delà des chiffres, cette aventure met en lumière l’importance de l’implication des professionnels dans le cursus académique des étudiants, ainsi que les avantages qu'une entreprise peut tirer de sa collaboration avec une Haute École telle que l’EPHEC.

À la suite de ce challenge, nous avons eu l'occasion d'échanger avec Jérôme Waterkeyn. À travers ses réponses, nous explorerons les motivations derrière la collaboration avec l'EPHEC, son point de vue sur la transformation du métier de comptable et quelques conseils de carrière pour les étudiants (pas que) qui liront cet article. Laissez-vous guider à travers cette entrevue qui pose un regard sur l'intersection entre l'éducation, l'entreprise et la préparation des étudiants pour les défis du monde professionnel.

 

Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Je suis Jérôme Waterkeyn, originaire de Bruxelles et actuellement Chief Financial Officer chez Veolia BeLux. Avec une expérience professionnelle de plus de 20 ans, j'ai débuté ma carrière chez PwC en audit financier. Mon parcours académique m'a conduit à une formation d'ingénieur de gestion à la Louvain School of Management. J'ai vécu un moment clé de ma carrière lors d’un programme d’échange en Afrique du Sud. J’y ai, entre autres choses, réalisé un mémoire axé sur les énergies renouvelables, éveillant ma passion pour l'environnement et l'énergie.

Après l’audit financier, mon parcours professionnel a évolué vers des postes de Business Controller, travaillant sur d'importants projets en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Cette période m'a offert une expérience opérationnelle riche. Par la suite, j'ai repris la direction financière chez SUEZ pendant cinq ans. Le rachat, début 2022, de SUEZ par Veolia a été un tournant majeur, donnant naissance à la combinaison actuelle des activités de Veolia, c’est-à-dire l’eau, l’énergie et la gestion des déchets.

Ce rachat a été créateur de valeur ajoutée, illustrant le principe que 1+1 peut égaler 3 lorsque deux entreprises se complètent harmonieusement.

Aujourd'hui, en tant que CFO chez Veolia BeLux, je continue à être animé par la mission de contribuer à la transition écologique et je trouve une source constante de motivation dans cette perspective.

 

Pourquoi avez-vous choisi de collaborer avec l’EPHEC ? Qu'est-ce qui vous a motivé à proposer ces projets à nos étudiants en comptabilité ?

Connaissant bien l'EPHEC en tant que Bruxellois, j'ai été attiré par les valeurs partagées, notamment autour de l'économie circulaire et le développement durable. Sur LinkedIn, je suis des professeurs de l’école engagés dans ces domaines, et c'est cette adéquation de valeurs qui a motivé notre collaboration.

En plus, je trouve qu’en tant qu'entreprise, nous avons le devoir sociétal de nous rapprocher des écoles, il est impératif de jouer un rôle actif dans les programmes éducatifs pour construire des ponts entre les mondes de l'entreprise et de l'enseignement. Cette opportunité était d'autant plus attrayante compte tenu du besoin criant de professionnels de la comptabilité dans notre société. Cette collaboration offre une chance précieuse de contribuer à la formation de futurs comptables.

Quand ce défi nous a été présenté, nous avons été agréablement surpris de découvrir que le programme de bachelier à l'EPHEC inclut des cours de reporting avec l'apprentissage d'outils tels que Power BI. Cette découverte, qui répondait également à un besoin opérationnel de l'entreprise, a renforcé notre choix de travailler avec l'école. L'EPHEC, avec son programme de bachelier en comptabilité, a ainsi retenu toute notre attention.

 

À la suite de ce challenge, et en assistant à ces présentations, quel est votre ressenti par rapport aux réponses apportées par nos étudiants ? (Y a-t-il des éléments que vous pouvez réutiliser ? Est-ce que cela répond aux réelles problématiques de votre entreprise ? Est-ce que certaines pistes vont pouvoir être envisagées ?)

Les présentations des étudiants au cours de ce challenge de reporting m'ont agréablement surpris. La diversité des axes explorés et la qualité générale des travaux m'ont impressionné. J'avais quatre attentes : des tableaux de bords aux visuels attrayants, des Key Performance Indicator (KPI) judicieusement sélectionnés, une clarté d'information, et une créativité manifeste. Ce qui a été particulièrement impressionnant, c'est la capacité des étudiants à manœuvrer à travers une très grande quantité de données, sans aucun travail préalable et sans avoir une connaissance approfondie du business et du contexte de l’entreprise. Ils ont réussi à extraire des milliers de données pour créer des tableaux de bord qui répondaient précisément aux besoins identifiés. Cela démontre leur compétence à travailler dans des conditions complexes et à produire des résultats tangibles.

Le travail présenté méritera une attention et un suivi en interne. L'approfondissement de ces travaux permettrait d'explorer davantage des aspects spécifiques, comme la consommation des véhicules des employés, en analysant les niveaux de consommation par site, usage privé et lieu de travail.

 

Avec les nouvelles réglementations européennes autour de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) comme la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), comment la collaboration avec nos étudiants en comptabilité, formés à intégrer ces KPI RSE dans leur analyse, a-t-elle enrichi ou pourrait enrichir les pratiques de Veolia en matière de reporting et de gestion durable ?

Les nouvelles réglementations européennes sur la responsabilité sociétale des entreprises, notamment la CSRD, nous ont conduits à former nos employés au fur et à mesure. Actuellement, l'apprentissage se fait en grande partie sur le terrain et en continu. Cependant, je suis convaincu que ceux qui ont reçu une formation théorique approfondie et se sont familiarisés avec ces aspects auront une valeur ajoutée significative, particulièrement au sein de sociétés comme Veolia.

Comprendre les exigences du législateur dans le domaine environnemental est un atout majeur. En tant que groupe, Veolia a pour ambition de réduire ses émissions de carbone de minimum 30% à l’horizon 2030 avec un objectif ultime de neutralité carbone d’ici 2050. Dans quelques années, je pense que les CFO seront autant enclins à discuter « CO2 » que « euros », soulignant l'importance croissante de ces KPIs sociétaux et environnementaux.

Les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) sont désormais cruciaux et vont jouer un rôle central dans nos pratiques de reporting et de gestion durable. Cette transition vers ces nouveaux indicateurs nécessitera des professionnels ayant un solide bagage théorique et une bonne connaissance de ces sujets.

 

Quels sont les bénéfices pour une entreprise comme Veolia de travailler avec des étudiants ? Comment voyez-vous le potentiel impact à long terme de ces projets sur la formation des étudiants et sur la qualité de leur préparation pour la vie professionnelle ?

C'est fondamental pour les entreprises car cela insuffle une perspective nouvelle et nous met au défi de revisiter nos routines bien établies. Ils arrivent avec un regard neuf, porteurs d'idées encore inexploitées. La diversité de leurs profils est également une source d’inspiration et une richesse pour nous. Un avantage indéniable est enfin la possibilité de faire connaître Veolia et d'attirer des talents en collaborant avec des étudiants.

Nous sommes tous conscients des pénuries de profils en comptabilité, et ce partenariat offre une solution à cette problématique en donnant aux étudiants moins de théorie et davantage de pratique. La Haute École joue un rôle essentiel dans la formation des étudiants, les préparant non seulement à être compétents, mais aussi épanouis sur le marché du travail. La collaboration avec une entreprise et l'exposition à des problèmes concrets sont des éléments positifs qui contribuent significativement à leur développement et à leur transition vers le monde professionnel.

 

Au vu des changements rapides dans la société (Intelligence Artificielle, législation autour de la RSE, post-Covid), quelles compétences spécifiques recherchez-vous chez les jeunes professionnels en comptabilité aujourd'hui et dans le futur ?

Je recherche avant tout un.e futur.e collaborateur.trice animé.e par la mission de l'entreprise, particulièrement convaincu.e de l'importance de la transition écologique. À Bruxelles, la maîtrise des langues est cruciale, tout comme une solide formation théorique de base, ce que l'EPHEC fait très bien. Une autre qualité essentielle est la capacité à s'adapter à un environnement en constante évolution, en assimilant rapidement les outils informatiques tels qu'Excel ou Power BI.

Pour moi, le/la comptable occupe une position centrale dans l'entreprise. Bien au-delà de l'enregistrement comptable des débits et crédits, il/elle doit être investi.e d'un intérêt profond pour chaque élément enregistré dans la comptabilité. Les comptables sont des professionnels qui doivent se montrer à l'aise dans le contact humain, collaborer efficacement avec différentes parties prenantes, qu'elles soient internes ou externes. C’est donc être capable d'établir des contacts, de créer un réseau pour comprendre ce qui se cache derrière ces chiffres et c'est là où réside la véritable essence du comptable, une vision qui s'oppose à l'image parfois fausse qu'on peut en avoir.

J’ajouterai que la capacité à évoluer rapidement est cruciale, en particulier avec l'avènement de nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle (IA). Dans les cinq prochaines années, nous assisterons à une transformation du rôle du comptable, passant d'un rôle transactionnel à celui d'un gestionnaire de la non-conformité, apportant ainsi une nouvelle valeur ajoutée.

 

Comment percevez-vous l'impact actuel de la pénurie de profils en comptabilité sur le marché du travail, et quelles initiatives ou solutions recommanderiez-vous pour relever ce défi ? Quel message souhaiteriez-vous partager pour inspirer et motiver les étudiants à opter pour cette filière ?

Je pense qu’il est essentiel de revaloriser l'image du comptable et de sensibiliser les jeunes aux transformations et opportunités de ce métier qui seront encore plus importantes demain.

Les formations actuellement disponibles sont de haute qualité et offrent une base solide pour les futurs comptables. Il est essentiel de souligner les nombreuses possibilités d'avenir, notamment avec l'émergence d'obligations de reporting environnemental et sociétal. Les comptables sont bien placés pour gérer ces aspects cruciaux, apportant leur expertise avec des reportings factuels traduisant la réalité de l’entreprise et utilisés comme outils de décisions. Par exemple, la gestion des rapports en « CO2 » chez Veolia, en tant qu'acteur majeur de la transition écologique, sera une tâche cruciale, principalement pilotée par la fonction finance. Il est vraiment important de comprendre que le métier de comptable évolue rapidement vers ces nouvelles responsabilités.

Il est également nécessaire de cibler des jeunes d'autres filières qui pourraient faire du métier de comptable leur nouveau premier choix.

La carrière d'un comptable est celle qu'il choisit de créer. Mon souhait pour tout comptable est de ne pas se limiter à la comptabilité, mais plutôt d'aspirer à apporter une contribution plus significative à travers son rôle dans l'entreprise.

 

Pour finir, quels conseils donneriez-vous à nos étudiants en comptabilité qui aspirent à occuper des postes à responsabilité dans des entreprises internationales, en vous basant sur votre propre expérience ?

Mon conseil serait de saisir les opportunités qui se présentent, de créer les leurs et d'accepter de sortir de sa zone de confort. Chez Veolia, nous avons des exemples de collaborateurs ayant connu de belles évolutions de carrière. Ils ou elles ont débuté à des postes de comptables pour évoluer vers des postes de contrôleurs ou des postes de management. L'ouverture à l'évolution constante et la proactivité sont des atouts précieux.

 

 


 

En résumé, la collaboration entre Veolia et l'EPHEC a été un succès mettant en avant l'engagement des étudiants et la pertinence du programme du bachelier en comptabilité de l'EPHEC. Jérôme Waterkeyn met en lumière l'importance croissante des compétences pratiques et théoriques, notamment face aux défis environnementaux et aux avancées technologiques qui vont transformer le métier de comptable.

Ce partenariat, qui illustre parfaitement la synergie entre l'éducation et le monde professionnel, sera reconduit l'année prochaine avec de nouveaux défis pour nos étudiants.